Croisant l’étude de textes historiographiques du XVIe et du XXIe siècles, cet article est dédié au genre du prospectus auctorial – terme renvoyant ici, dans la continuité de son emploi technique en histoire de l’édition, à un type de discours produisant l’annonce d’un ou plusieurs livres à venir. Plus précisément, il s’agira de placer en regard Le Dessein de l’histoire nouvelle des François (1599) de Lancelot Voisin de La Popelinière, d’une part, et, de l’autre, Rêves d’histoire (2006/2014) de Philippe Artières. À partir de situations et d’enjeux irréductibles les uns aux autres et dont il faudra faire cas, ces deux ouvrages permettent d’observer les effets conjoints de spatialisation et de temporalisation dont le projet comme genre est capable. Rétrospectif par définition, le discours de l’histoire est ici virtualisé, projeté dans un futur à l’avènement duquel le prospectus œuvre à sa façon, non sans savoir celui-ci incertain, soumis à un ensemble de conditions qui ne tiennent pas seulement au désir ou à la compétence de l’auteur. En 1599 comme en 2006, le registre du projet relève d’une forme de « littérature grise » couramment mise à profit par les historien·ne·s afin d’obtenir divers soutiens symboliques, financiers etc. auprès de mécènes ou d’institutions publiques. L’enjeu de cet article consiste à apprécier les modes de textualisation pouvant affecter cette forme prospective, dès lors qu’elle est soumise, comme ici, à un geste de publication. Au-delà de sa fonction auxiliaire, cette mise en partage du projet tend à lui reconnaître une consistance et une valeur inaliénables, faites pour inscrire ce geste préparatoire dans le temps long de la postérité.